REMI

Rémi est jeune. Il a 21 ans.

Sur un lit d’hôpital, Rémi s’en va. Ce n’est la faute de personne, c’est ainsi. Il n’est pas loin.

Il a un grand projet, ambitieux, merveilleux : faire don d’un peu de lui pour que d’autres continuent à vivre.

Tout le monde est triste, pleure ; sa famille, ses amis, les amis de ses parents, les amis de ses amis. Il ne faut pas. « Ce n’est pas juste » disent-ils. Qu’est-ce que cela veut dire, au juste, ce « pas juste » ?

Rémi, lui, sur son lit d’hôpital, il sait. Il sait que sa vie n’est pas finie. Elle renaîtra à travers d’autres. Ils ne l’ont pas demandé mais et c’est ce qu’il souhaitait si d’aventure sa vie lui échappait.

Du haut de sa couche il observe. Il rayonne. Il enveloppe ses êtres chers – mais pas que – de son amour, d’un peu de sa folie aussi, car il aime s’amuser, taquiner.

Il leur enverra des messages, promis. Il a déjà commencé. Maman, guette-moi dans tes rêves, tu m’y croiseras. Il aura un petit mot pour chacun d’eux, pour ceux qui voudront bien entendre, et ils sauront.

Ça y est, il est parti. Mais pas vraiment, car il y aura un peu de lui dans six autres, six êtres bénis, six « petits Rémi ». Oui Maman j’aime ce nom. Elle l’a entendu, c’est lui qui l’a inspirée. C’est beau, c’est doux, c’est plein d’espoir pour ceux qui partent, pour ceux qui restent.

Les jours ont passé. La maman de Rémi fait un petite visite dans le service qui l’a accueilli, comme un pèlerinage dans les couloirs de l’hôpital. Que cherche-t-elle ? Rémi la suit. Il n’est jamais bien loin. Il ne l’a jamais quittée. Elle a des questions, beaucoup de questions, trop de questions. Il sourit. Elle aussi car à cet instant elle pense : « S’il était là, il me dirait : t’es chiante avec tes questions ! ».

Elle a toujours le sourire, un petit mot gentil pour toute l’équipe, si présente, si bienveillante envers son fils, envers eux.

Que cherches-tu maman ? Elle répond à voix haute sans s’en rendre compte « Je ne sais pas ».

« Dis Madame, tu es la maman de Rémi ? »

Elle sursaute, se retourne et découvre un petit garçon qui donne la main à sa petite sœur.

Rémi sait qu’elle pense « C’est comme dans mon rêve » et elle a raison. Il le lui a envoyé.

Le garçon demande de nouveau :

« Tu es la maman de Rémi ?

— Oui c’est moi. »

Alors la petite fille lâche la main de son frère et se jette dans ses bras. Puis elle lui tire la manche de son pull pour l’inviter à la suivre.

Rémi voit bien l’émotion de sa mère lui étreindre le cœur. Il la suit au-dessus d’elle comme un petit nuage d’amour pour la rassurer.

Enfin, la petite fille la libère pour entrer dans une chambre et s’approcher d’un lit.

« Rémi est là, lui dit le garçon. »

Elle s’avance alors et voit une femme dormir paisiblement.

« Chut, fait la petite fille, un doigt devant la bouche, maman dort. »

Une plume blanche entre alors par la fenêtre et vient se poser délicatement sur la main de la femme allongée qui ouvre les yeux.

Les deux femmes n’ont pas besoin de se parler. Elles se comprennent. Rémi y est un peu pour quelque chose, il doit bien l’avouer.

« J’ai rêvé de vous. Je l’ai remercié pour son don mais je ne sais pas s’il m’a entendue. Vous voulez bien le remercier pour moi ? Pour mes enfants ? Je suis certaine que vous, il vous entendra ».

Bien sûr qu’il l’a entendue, comme il entend sa mère tous les jours, son père, sa sœur… Tiens, d’ailleurs, il va falloir qu’il s’occupe d’eux !

Sa mère lui répond « C’est sa décision, il a toujours voulu le faire ainsi, faire don de lui »

C’est vrai maman, et je suis fier d’avoir des parents qui m’ont écouté… Pour une fois !

C’est tellement bon de la voir sourire et de l’entendre plaisanter : « Pour une fois que je l’ai écouté ! ».

La maman de Rémi sort de la chambre la larme à l’œil, c’est sûr, mais il sait que c’est l’émotion de savoir qu’il vit encore à travers elle, à travers d’autres. Ça la rassure. Ça l’aide. Il le sait. Il le ressent, comme elle le ressent… Moi aussi je suis fier de toi, de vous tous, et tu sais quoi Maman ? L’aventure ne fait que commencer.

15 réflexions sur « REMI »

  1. Ohhhh j avais laissé de commentaire!!!! J ai du la lire pour la 10 même fois!!!! Et j ai tjs la mm émotion…merci pour ce magnifique moment …. merci d etre roi😉🙂🙂💖💖

  2. Ma petite Véro, ce texte de Rémi est magnifique !
    En lisant ton texte, je me suis replongée pendant quelques minutes dans le service de Réa avec cette atmosphère si particulière mais avec un sentiment de bienveillance et de paix qui m’accompagnait tout le long du texte : même si je ne l’ai pas connu, je suis sûre que Rémi était près de moi pendant cette lecture!!
    Pottas.

  3. Véronique
    Ce texte est magnifique et plein de sensibilité. Juste dosage entre tristesse et espoir. Bravo vraiment
    Mireille

    1. Bonjour Mireille, merci pour tes messages. Cela fait toujours plaisir de voir que ce qu’on écrit touche ceux qui les lisent. Ce texte est particulier et cher à mon coeur puisqu’il est pour des amis ayant perdu leur fils. C’est un texte « inspiré » qui gardera une place particulière dans mes écrits… et celui de Venise, et bien c’est la ville qui m’a touchée… On aura sans doute l’occasion d’en rediscuter. Bises

  4. En allant lire le conte de noel celui ci était en 1ere place …ça faisait longtemps …l emotion est encore plus présente comme si il était au-dessus de mon épaule pour me rappeler l essentiel !!😉😉

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