PARC… A THEME

« Ridicule ! Je suis ridicule !

— Mais non voyons, c’est juste… original…

— Original, tu te moques de moi, il a complètement raté ma coupe ! J’ai l’air d’un plumeau déplumé !

— Tu exagères. En tout cas ce n’est pas pire que moi : je ressemble à un champignon.

— Mais où est-ce qu’ils ont été le chercher celui-là avec ses cisailles de malheur.

— Bah, ça va repousser. Moi je me dis qu’il y a toujours pire. Regarde la pimbêche comment elle est ressortie.

— Tu as raison, il ne l’a pas ratée celle-là et c’est tant mieux. Depuis le temps qu’elle nous bassine avec ses « je suis la plus belle avec ma couleur flamboyante… ». Quand je l’ai vu, j’en aurais pleuré de rire.

— Surtout qu’elle n’était pas candidate à la coupe.

— Ça lui apprendra à se moquer de nous.

— Dis, en parlant de pleurer, tu as vu le petit ?

— Le nouveau ? Oui le pauvre comme c’est triste.

— Quand j’ai vu ce saule pleurer, j’ai vraiment eu pitié. Il réclamait sa maman. J’ai essayé de le rassurer en lui disant qu’il deviendrait fort et grand mais je ne suis pas sûre qu’il se consolera un jour.

— Pourtant, son sort est plus enviable que celui du vieux pointu.

— C’est vrai, c’est pour bientôt. Dans quelques mois… couic ! Décapité.

— Chut, il va t’entendre.

— Mais non, penses-tu ! Il est sourd comme un pot.

— Dis-moi, on devrait lui accrocher des boules de buis pour le préparer à ce qui l’attend.

— Ce n’est pas bien de se moquer. Et puis les buis ne se laisseront pas faire une fois taillés.

— Nous pourrions entrelacer nos branches dessous et…

— Toi alors, que tu es coquin !

— Au fait, qu’est devenu ton cousin ?

— Lequel ?

— Tu sais, celui qui passait son temps à regarder les voitures.

— Au bord de la nationale ? Tais-toi. C’est une catastrophe. Je t’avais dit qu’un véhicule lui était rentré dedans ?

— Oui il ne l’avait pas vu venir celui-là.

— Pour sûr, il ne demandait rien à personne. Et bien lui et ses amis ont été déracinés, tronçonnés et transformés en planches à pain !

— Quelle horreur !

— Tu peux le dire. En représailles qu’ils ont dit, alors qu’ils n’avaient pas bougé d’une feuille.

— Lui qui était fier comme un platane…

— La vie est injuste. C’est dans ces cas là qu’on réalise qu’on n’est pas à plaindre.

— Les chiens nous font dessus, les petits d’homme nous arrachent les feuilles et les amoureux nous tatouent les troncs ; tu parles d’une chance !

— Arrête de ronchonner. Ce que tu vieillis mal !

— Moi je rêvais d’aventure, de grandes forêts sauvages où mes glands auraient pu tomber, se multiplier…

— Et être mangés par les écureuils… oublie, tu n’es pas et ne seras jamais un chêne.

— Rabat-joie ! D’ailleurs à ce propos, tu as vu le chêne centenaire ? Il a pris un sacré coup après l’orage. Il en a perdu ses branches.

— Il doit beaucoup souffrir. Il a l’écorce à vif…

— Oh non, il revient !

— C’est quoi cet engin qu’il tient à la main ? Et ce bruit…

— Mais… il va vers le vieux chêne… et il sourit !

— Qui, le chêne ?

— Mais non, le jardinier fou. Qu’est-ce que… Oh non, il lui coupe le tronc !

Un vent de panique se leva soudain qui fit frémir tous les arbres et arbustes à la ronde.

« Ah, ah, c’est moi le maître de l’espace vert, le Dark Vador des bois, le Sauron de la botanique, s’écria le jardinier avec un rire sardonique en faisant vrombir la tronçonneuse. Rien ne me résiste ! »

Puis il éteignit l’engin de mort, admira son œuvre, ouvrit la braguette de son pantalon et se soulagea sur le cadavre fraîchement découpé.

C’est alors que des murmures s’élevèrent dans le parc tel un souffle de rébellion. Un tourbillon de feuilles mortes se forma, de plus en plus gros, de plus en plus haut, de plus en plus fort, et vint encercler le monstre. Les bruissements des arbres alertèrent les animaux des alentours : oiseaux et rongeurs vinrent menacer le prisonnier pris au piège dans l’œil du cyclone. Ce dernier se mit à paniquer, cria, hurla même, qu’on le laisse tranquille, lorsqu’une voix se fit entendre :

« Mais que se passe-t-il donc ici ?

— Monsieur le directeur… je… je vi… viens de subir une attaque, bafouilla l’employé.

— Une attaque de quoi ? De fourmis peut-être ! Vous avez bu ?

— Non monsieur le…

— Et vous avez uriné sur un arbre ! Vous vous prenez pour un chien ?

— Je vous assure monsieur le… tenta de se défendre le pauvre homme en refermant sa braguette.

— Ça suffit ! Et regardez ce que vous avez fait à mes arbres. C’est inadmissible ! Sachez qu’ici on aime la nature, on la respecte. Vous êtes viré. Sortez de mon parc tout de suite, et je veillerai à ce que vous ne retravailliez plus jamais dans les espaces verts.»

Ainsi la paix revint dans le parc et à partir de ce jour fut accroché un étrange pancarte l’entrée :

VOUS QUI ENTREZ ICI, RESPECTEZ LA NATURE

(SINON ELLE POURRAIT BIEN SE VENGER)

Une réflexion sur « PARC… A THEME »

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