LE BONHEUR CE HÉROS

LES HÉROS SONT PARMI NOUS

Mme Aspergum avait un nom de médicament et pourtant, depuis sa plus tendre enfance, on la surnommait la « grande asperge ». Un pléonasme : elle était très grande, très mince et comble de l’absurde, toutes ses chaussures avaient des talons de 8 cm. Une prédestination : elle avait pris ce nom après son passage devant le maire et le curé. En outre, ses dents en avant recouvraient sa lèvre inférieure à la manière d’un rongeur. Ses cheveux noirs bouclés faisaient sa fierté. L’absence de cheveux blancs à son âge suscitait l’envie de toutes les femmes qui entraient dans sa boulangerie. Car elle était boulangère et non pharmacienne comme on aurait pu le croire en raison de cet acide acétylsalicylique pour homonyme. En réalité c’était son mari le boulanger. A eux deux ils fournissaient en pain, brioches et viennoiseries, le petit village dont ils étaient originaires et ceux avoisinants. Mr Aspergum, jovial et grassouillet, était chauve et mesurait une tête de moins que sa femme. Son crâne un peu aplati et ses yeux globuleux le faisaient ressembler à un crapaud ; inutile de dire que le couple ne passait pas inaperçu ! Bien sûr, l’un et l’autre avaient fait l’objet de moqueries du fait de leurs physiques ingrats depuis la maternelle ; moqueries qui n’avaient jamais faibli et s’étaient amplifiées à l’annonce de leurs fiançailles. D’aucuns disaient que ces deux là feraient de « sacrés gamins » s’ils s’accouplaient. Ainsi, pendant la première grossesse, les paris avaient été ouverts : quelle serait l’appartenance de l’enfant : animale ou végétale ? crapaud ou asperge ? Les gens peuvent être cruels ; ils l’étaient au village et ne s’en cachaient pas. Mr et Mme Aspergum n’en avaient cure, imperméables aux moqueries de toutes sortes. Ils étaient heureux car ils s’aimaient tels qu’ils étaient. Lui, faisait le meilleur pain de la région. Les clients venaient de loin pour l’acheter, comme attirés par une odeur envoûtante apportée par le vent. Elle, avait une mémoire d’éléphant. Elle retenait tous les prénoms, se souvenait de chaque personne franchissant un jour la porte du magasin, trouvait toujours un petit mot gentil à leur dire et finissait par recueillir leurs confidences. Car ils revenaient, immanquablement : la boulangerie ne désemplissait pas. Ils avaient eu quatre enfants, tous magnifiques. Pas parce qu’ils n’avaient aucun défaut – ils en avaient eux aussi – mais parce qu’ils baignaient dans l’amour et ça les rendait beaux. Encore une fois, ils étaient heureux, tout simplement, et c’était peut-être un peu de leur bonheur que les clients venaient chercher dans leur magasin, comme un ingrédient secret dans la pâte à pain. Il y avait bien un petit quelque chose  mélangé à la farine, telle une épice ajoutée sans modération et qui rendait leur pain si spécial. A ceux qui leur demandaient quel était ce « petit quelque chose », ils répondaient d’un air mystérieux : « un ingrédient qui ne peut être, ni acheté, ni monnayé, certes précieux mais en aucun cas secret…… un petit rien à portée… de pain ! »

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