SALADE DE FRUITS

Ce fut l’odeur qui m’attira tout d’abord. Un mélange d’acidulé et d’amertume. C’était comme un parfum envoûtant qui me menait par le bout du nez, tel un somnambule, les yeux fermés, le regard fixe perdu dans un monde étrange. Et ce monde s’appelait « la salade de fruits ». Le plus difficile était d’atteindre ce saladier où baignaient diverses variétés dans leur jus. Il me semblait les entendre gémir de satisfaction. Je les imaginais tremper dans un jacuzzi d’eau sucrée sans bulles. Je n’avais qu’une envie : les rejoindre, me rouler dans leur macédoine, m’en badigeonner tout le corps, y plonger la tête la première pour m’en abreuver jusqu’à plus soif. Oui car je n’étais pas plus haut que trois pommes… pas plus qu’un grain de groseille pour être exact. Je me voyais escalader cette forteresse à la manière d’un barbare franchissant le mur pour conquérir la place et tout dévorer. Je devenais soudain féroce, un tueur en série massacrant tous les convives, ne laissant derrière moi que peaux d’oranges et pépins de raisins.

La vision était sublime. J’effectuais des brasses dans le liquide dégorgé des rondelles d’agrumes, croisant ça et là framboises, cassis, morceaux de kiwis, ananas, pastèques et… oh malheur !… le cadavre d’une mouche, pattes en l’air, morte d’avoir été trop gourmande. Était-ce là le sort qui m’était réservé ? Moi le lilliputien au pays des fruits frais, n’allais-je pas également être victime de mon désir immodéré de sucre ?

Alors que je barbotais assis sur un carré de pomme verte flottant au grès des battements de mes pieds, une ombre surgit tel un vautour guettant sa proie, effectuant des cercles au-dessus de ma tête, projetant une ombre vorace sur les fruits apeurés. La guêpe n’allait pas lâcher le morceau. Elle se mit à piquer vers ma misérable carcasse m’obligeant à plonger dans la mélasse. A chaque tentative de gorgée d’air en surface, le monstre fonçait sur moi. Je ne voyais que le dard de la bête qui cherchait à m’embrocher, à la manière d’un chevalier repoussant le barbare hors des murailles du château. Pour elle j’étais l’envahisseur, l’ennemi et je devais disparaître… ce que j’aurais sûrement fait si je n’avais pas été réveillé par une odeur de thé citron en provenance de la cuisine qui m’attirait avec force persuasion.

5 réflexions sur « SALADE DE FRUITS »

    1. Merci Cathy. Oui en effet c’est différent, c’est frais… ça faisait partie des exercices d’un livre. J’ai trouvé plus difficile que d’autres mais l’important c’est de laisser aller son imagination !

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